L’UNITE SANS CONTRAIRE
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L’UNITE SANS CONTRAIRE
L’UNITE SANS CONTRAIREL’Unité ne peut être recherchée. Par tous nos apparats, nous la voilons jusqu’à même en faire un apparat : l’ego qui se dit être l’Un, se proclamant l’unificateur. La seule chose que nous poussions connaître sont ces apparats, en les démasquant, en les nommant pour ce qu’ils sont, jusqu’à saisir leurs origines communes : la croyance en un " je suis séparé ". Notre mental, par son incapacité à comprendre l’Un, va construire toute une armada de contrôles, jusqu’à s’imaginer être l’acteur principal de sa vie et entre autre de cette unification dont il se croit maître. Notre mental (l’ego ou la personne) séparé a simplement peur de ce qui le dépasse. Il pense pouvoir rejoindre l’amour, l’unité, et pour se faire, entreprend un travail de réconciliation et de pardon. Le mental ne peut rejoindre l’amour, " le moins ne peut devenir le plus ". Ici, il n’y a pas d’additions possibles. Nous ne pouvons pas atteindre l’Unité, son synonyme l’Amour, tout simplement parce que nous le sommes. Tant qu’il n’est pas informé, dans ces moindres recoins, qu’il ne peut rien saisir, rien savoir, rien emporter, rien devenir, rien unifier, et qu’il n’est qu’une composante dépendante de cette Unité, il reste collé à sa peur qu’il camoufle par des " je sais, je comprends, je saisis, je tiens, je deviens et j’unifie". Ainsi, le mental doit être informé, cela est apparemment nécessaire pour la plupart d’entre nous. Il est aussi nécessaire qu’il se rende compte de ses limites, limites lui rendant impossible d’aller au-delà de lui-même.
" Si l’esprit ne s’arrête nulle part, alors apparaît le véritable esprit. "
Jean Claude Carrière
…
La rivière coule doucement ce matin. Pas un seul chant d’oiseau, pas un seul bruit. Seulement l’écoulement de l’eau. Je ne peux m’empêcher de penser qu’en matière d’Unité, je ne ferais que répéter ce que d’autres ont exprimé. Dans le même instant, je me demande si cette répétition est nécessaire, dans le même instant, je réponds par l’affirmative.
L’Unité ne peut que se vivre. Elle est.
Mais cela peut paraître facile à écrire. Et la compréhension est nécessaire et doit se faire jour pour que ces mots soient réellement vécus. Et la compréhension passe par la réflexion et l’intelligence.
Tout d’abord, de quelle unité parlons-nous, de celle intérieure, psychologie ou de celle extérieure, de la diversité des noms et des formes. Bien sûr, intérieur et extérieur sont reliés, bien sûr la vision du monde dépend de notre vision intérieure. Cependant, pour aider à cette compréhension, il est nécessaire d’en passer par cette apparente différence afin de voir que ce n’est justement qu’une apparence.
De l’Unité intérieure, de notre désir d’unité
A l’évidence, nous sommes constitués de plusieurs personnages, défini chacun par un état particulier, une attitude. Selon la personne que nous rencontrons, nous présentons de nous une certaine facette, nous affichons un certain masque, celui en rapport avec la situation. Nous ne serons pas le même selon que nous soyons en relation avec notre enfant ou avec notre buraliste, devant notre médecin ou un homme de loi. Plus prés encore, nous ne serons pas le même selon que nous soyons devant notre premier enfant ou notre deuxième enfant. Plus prés encore, nous ne serons pas le même, vis-à-vis de nous-même, selon que nous ayons raté un rendez-vous important, que nous nous soyons mis en colère, que nous ayons été séduit par une jeune et ravissante personne, que nous ayons réussi à un examen ou que nous ayons eu peur. La différence réside seulement et uniquement dans le refus ou l’accueil de ce qui se vit. Le refus entraînant la séparation d’avec nous-même, notre propre rejet, l’accueil entraînant l’unité, l’action de ne délaisser aucun de nos différents états intérieurs.
L’Unité est empreinte d’amour. L’Unité est l’amour. Sans complaisance, sans affectivité, sans émotivité. Disponible, dans le discernement, nous voyons ce qui se joue en nous.
Cependant, ici, l’Unité ne s’oppose pas au refus. Parce qu’il n’y a tout simplement pas de contraire à cette Unité. Elle englobe tous nos états intérieurs, même celui de refuser l’un de nos états. Nous refusons notre violence, nous rejetons notre vulnérabilité. A l’instant où nous nous rendons compte de ce refus, où nous le voyons, sans commentaire, sans vouloir éloigner le refus et faire celui qui accueille, sans vouloir modifier d’un millimètre ce sentiment de refus, ainsi à l’instant où nous le voyons pour ce qu’il est : un refus envers notre violence ; nous sommes dans le constat, la vision. Cet action de voir est indissociable de l’accueil. Le refus est accueilli pour ce qu’il est : un refus. Seul notre mental pense que le refus est un opposé de l’Unité.
Cela me fait penser à cette confusion concernant la vraie nature, que nous nommons aussi l’impersonnelle présence, et lorsque nous entendons ces mots :
" La vraie nature est unique, est une, et nous sommes tous cela ".
Lorsque cela n’a pas été clairement compris, nous en déduisons, par l’intermédiaire de notre mental binaire, que notre personnalité doit mourir afin d’atteindre cette impersonnelle présence.
Le fait de VOULOIR modifier ma personnalité, pensant que cela contribuera à mon évolution et à ma progression spirituelle, pensant que cela participera aussi à l’unification, me plonge littéralement dans une nouvelle identification : je suis un être à l’impersonnelle présence : cloué à cette idée dont je ne démords pas que l’éveillé n’a pas de personnalité sinon une personnalité impersonnelle. Alors que je me crois proche de l’éveil, je n’ai fait qu’endosser un habit impersonnel, une nouvelle image. Alors que je me crois arriver à l’Unité, parce que je pense que l’Unité se gagne, et qu’il y a un chemin me conduisant vers elle, je ne fais que m’éloigner un peu plus de cette expression naturelle qui caractérise la personnalité qui m’habite. Et je deviens une image… cette fois-ci impersonnelle. Tout cela engendré par la même incompréhension de base : mon mental croit pouvoir atteindre l’Unité, mon mental séparé en de multiples individus croit pouvoir les réunir et les unifier, alors qu’il ne fera que les mettre sous son contrôle. A nouveau il doit et se rendre compte de ses limites, et que cela même soit regardé comme un constat, alors " la pensée, se comprenant elle-même, arrive à sa fin naturelle " (1).
Cependant, cette incompréhension, cette prétention, ce mental binaire ne sont pas en dehors de l’Unité, rien ne lui est séparé. C’est notre mental qui sépare, cloisonne, et d’un côté l’Unité et de l’autre le conflit. C’est aussi le mental qui se coupe de l’Unité par sa prétention à comprendre, non pas l’Unité qui se coupe du mental.
Une personnalité sans identification n’est pas synonyme d’une absence de personnalité. L’Unité n’est pas synonyme d’absence de diversités, de contradictions et d’opposés. La mort (ou la dissolution) de l’ego n’est pas synonyme de la mort de l’expression. La vie continue avec ces accidents, ces naissances, ces succès, ces échecs, simplement il n’y a plus identification à l’expression, au personnage. Nous laissons la personnalité être ce qu’elle est : autoritaire, séductrice, introverti, silencieuse, bavarde, grossière… Nous laissons aussi nos potentiels être ce qu’ils sont : sportifs, artistiques, commerciaux, politiques, don pour l’enseignement, pour l’art du combat, pour l’écriture, pour l’oraison… Sans idées sur une réponse qualitative à la question : " qui suis-je ? "
…
Le ciel apparaît, les arbres s’y distinguent, tout est encore sombre. Un oiseau s’est mis à chanter, solitaire, à nouveau silencieux. Puis de nouveau, son chant apparaît dans son silence. Au loin, les arbres sont immobiles, pas de vent ce matin, disponibles à l’instant. Déjà, l’obscurité s’en va, on entrevoie le vert des feuilles, le brun des tronc, les nuages épais, denses. Le soleil se lève, c’est sûr, pourtant, on ne le voit pas.
…
Le sentiment de séparation restera toujours aussi fort tant que je resterais au niveau du mental, le mental étant le lieu de la séparation. Ces instants viennent parfois, je me sens seule dans ma réflexion, seule avec moi-même. Je me dis alors que la réflexion se fait dans la solitude la plus totale. La peine monte. Elle est là, dans mon corps, dans le souffle, dans mes mains, dans mon atmosphère. Je me sens seule. Mais ce sentiment, au moment où il se présente, n’est qu’un sentiment sans mot, juste une sensation. Ce n’est que quelques instants plus tard où je me rends compte de ce qu’il contient. J’observe alors, étonnée, mon incapacité à faire quelque chose, entre autre à le modifier, à le dépasser. Le dépasser ! Pour rien au monde, je ne voudrais passer outre ce sentiment, malgré sa ténacité. Et puis, comme quelque chose qui me parle du profond de moi, de cet espace en moi silencieux, libre de mobiles : face à cette réflexion, je ne suis pas si seule que le sentiment pourrait me le faire prétendre, je vois : c’est cet espace en moi silencieux, libre de mobiles, qui pousse à la réflexion, à la remise en question. Je ne pourrais simplement pas être autrement que ce que je suis. Non, je ne suis pas si seule…
Mais, effectivement ! Comme je l’ai écrit plus haut, sans m’être rendue compte de ce que cela pouvait signifier vraiment : seule avec moi-même. Comme un lien entre ce que je suis véritablement et moi dans mes aspects fractionnels. La fraction… et le Regard me rappelle : je vois que je m’identifie à un sentiment de séparation. Je vois, la conscience illumine mon regard : un goût d’Unité, seulement un goût. Je vois aussi cela, dans l’instant : le fait de m’approprier ce " goût " le ferait disparaître instantanément. Décidément, je ne peux que m’en remettre…
Je dis bien " comme un lien ", parce qu’il ne s’agit pas vraiment d’un lien, c’est plutôt… être avec.
Je me rends compte : c’est dans ces instants éternels où je suis avec moi, que ce " moi " peut s’abandonner. Que je m’abandonne et l’identification me quitte. Comme une intimité qui s’apprivoise entre " moi-Je suis " et " moi-fractions ". Comme si ces deux aspects, que mon " moi-fractions " voit comme deux aspects, se rapprochaient l’un de l’autre, n’étaient plus si éloignés, n’étaient plus tant séparés. Mais je le vois bien, ce n’est pas le " moi-fractions " qui va vers " Je suis ", ici la personne ne va nulle part, être avec ne peut avoir lieu qu’à partir du témoin. Etre avec est l’action non-volitive de voir. Etre avec est l’action du témoin.
Le " moi-fractions " est une expression du " Je suis ", une expression… qui a oublié son origine, et par cet oubli même, s’imagine être séparé et se prénomme l’ego, la personne, le mental. Je le vois : pour le " Je suis ", l’ego n’existe pas, mais n’est seulement qu’un nom, celui que s’est attribuée l’expression séparée, " le moi-fractions " se pensant autonome. Je le perçois comme une évidence : dans ces instants éternels où je suis avec moi, je ne considère plus ces fractions intérieures comme des fractions, mais comme des expressions sans mémoire, sans quelqu’un pour les mémoriser. Alors le " moi-fractions " disparaît. Il n’y a plus d’un côté " Je suis " et de l’autre " moi-fractions ", il y a " Je suis " et les expressions apparaissent et disparaissent. Du non-manifesté apparaît le manifesté. Du silence apparaît la musique. De l’amour apparaît la diversité.
De l’Unité extérieure, ou de ce que nous appelons
communément le monde.
Comme nous sommes attirés par le monde et ses apparences, et en avons oublié l’origine. Mais je ne parle pas de l’origine du monde, certes non, j’en serais bien incapable. Je parle de ce qui est derrière ces multiples apparences et points de vue dont la politique et la religion font parties.
" La manifestation phénoménale est vue comme étant une partie de la Totalité bien qu’elle n’ait pas d’existence indépendante, elle est une partie de l’Unité, un de ses aspects. " Wayne Liquorman (2)
Saisir l’Unité ne passe pas par le mental raisonnant, il y faut l’intelligence et un profond abandon. Comme nous l’avons constaté plus avant, le mental ne ferait que discourir, il se pavanerait par ses savants commentaires philosophiques, autre possible pour perpétrer son désir de pouvoir, et ses rassurants " moi, je sais ". Il ferait de cette Unité, des lois qui nous rendraient uniformes et identiques. Il en a déjà créé des courants politiques totalitaires, des religions sectaires aux pratiquants intégristes. Par l’identification à notre mental, nous sommes potentiellement intransigeants et cruels. " Notre religion est la meilleure ". " Notre technique spirituelle la plus puissante ".
Mais, ne nous y trompons pas, ce que nous nommons l’erreur, l’égarement, l’illusion, tout cela fait partie de l’Unité. Une Unité qui se cherche dans ces diverses expressions. Rien n’est en dehors d’elle. Il n’y a pas l’Unité et puis, le reste. L’illusion ne s’oppose pas à l’Unité, l’Unité l’englobe. L’intégrisme et la cruauté ainsi que toutes les perversités existantes sont la conséquence de l’identification au mental ( ici, en proie à des pulsions inconscientes). Le lot de l’identification, c’est la souffrance assurée, quelle soit psychique ou corporelle ou même spirituelle. La lumière de l’Obscur, comme pourrait la nommer Jean Bouchart d’Orval, " L’ombre est présente en nous afin de confondre ce reflet que nous prenons pour la lumière et de faire ressortir la vraie lumière, la lumière de l’Obscur. C’est pourquoi le sage d’Ephèse dit : " C’est le propre de notre nature véritable de se dévoiler en se recouvrant. " (3)
" Au départ, les rivières et les montagnes sont vues comme étant des rivières et des montagnes. Puis, les rivières et les montagnes cessent d’être des rivières et des montagnes. Enfin, les rivières et les montagnes redeviennent des rivières et des montagnes. "
Cet énoncé Zen a souvent été donné comme thème de réflexion du Réel. Nous nous y arrêtons, quelques jours, quelques mois, voire des années, il percute, ébranle jusqu’à défaire les certitudes du mental. La compréhension ne peut être que dans l’instant, elle nous saisit sans aucun espoir de pouvoir la saisir.
Bien que ces propos aient été maintes fois explicités, j’en donnerai ma vision, en rapport avec le thème présent.
Ainsi, au départ, la question n’apparaît même pas tellement nous sommes certains que le monde est réel et indépendant de nous. Par cette séparation inconsciente entre moi et le monde, nous voyons le monde comme extérieur à nous, comme une évidence : il y a le monde et il y a moi. Les rivières sont des rivières, les montagnes des montagnes. Point. Le mot Unité ne nous évoque rien, il nous laissera dans l’indifférence, dans une absence de résonance. Sinon, nous en parlerons d’un point de vue mental, en référence à l’unité sociale, religieuse, économique,… politique. Dans cette absence de remise en question, nous serons agis par les conflits, dépendants de nos états intérieurs, identifiés à notre psychologie, à notre mental et à toutes ses déviances.
Puis, la vie nous interroge, la réflexion s’amorce. Les questions se présentent. Qui suis-je ? Qu’est le réel ? Qu’est l’illusion ? Jusqu’à pressentir que toute la manifestation n’est qu’une expression de… On entrevoit ce qui est derrière, sans pouvoir le nommer. Alors les montagnes et les rivières, étant perçues comme illusoires parce que n’étant qu’une expression, cessent d’être des montagnes et des rivières. Ici, tout bascule, même le basculement intérieur a déjà eu lieu, il se vit. Ce que je vois, ce que je touche, ce que je sens, ce que j’entends, est-ce illusion, n’est-ce que projection de ma part ? Oui, mais nous voyons, touchons, sentons, entendons tous, les mêmes choses, alors ? Le monde ne serait donc pas séparé de moi, - de nous -, le monde n’existerait donc pas sans mon regard, - sans notre regard - ? La question interpelle.
A ce moment là, lorsque la manifestation est vue comme étant une expression du Tout, se présentent deux types d’attitudes selon ce qui nous habite sur le moment : soit la danse de la vie nous emporte, et nous dansons simplement, détacher sans désir de l’être, disponible, alerte, jouant le rôle du moment. Soit nous sombrons dans la négation la plus totale : alors, si tout cela n’existe pas, rien n’existe, rien. Jusqu’à remettre en question la Présence, la Vie même. Pénétré par le non-sens, absorbé par la mort de la Vie. Dans le premier cas, le pressentiment de l’être nous habite, dans le deuxième, le sentiment de séparation est à son comble. Pourtant dans les deux cas, les montagnes et les rivières cessent d’être des montagnes et des rivières.
Enfin, la réflexion se poursuivant, l’écoute nous absorbe, absorbe tant le pressentiment que la séparation. Nous voyons : les montagnes et les rivières sont des expressions de la vraie nature, elles existent bel et bien en tant qu’expressions, que manifestation. La Réalité est l’Unité, est Une, par laquelle tout se déploie, que ce soit les montagnes et les rivières, les différents états évoqués précédemment que l’ignorance et l’égarement… L’illusion fait alors référence au fait que nous prenions pour Réel, la manifestation, l’identification aux personnages, moi et le monde, la séparation. La vraie nature est une, ses expressions sont multiples : l’arbre, le vent, chacun d’entre nous, l’eau, les touches de cet ordinateur, la tasse, le tabac… " La vraie nature est unique, est une, et nous sommes tous cela ", et paradoxalement, sans que cela compromette un seul instant cet Ultime, avec pour chacun de nous, une expression particulière, unique que nous laissons se vivre, que nous vivons pour ce qu’elle est : une expression unique. Que nous vivons et jouons sans demi-mesure. " Quand vous regardez quelque chose, c’est l’Ultime que vous contemplez, mais vous vous imaginez voir un nuage ou un arbre. " Jean Klein
" Je vous suggère uniquement de jouer votre rôle avec enthousiasme et passion. Toutefois, il vaut mieux rester détaché de ce qui vous arrive mais ce n’est possible que si vous abandonnez l’idée de ce que " marcher " veut dire. En vérité, les choses ni ne " marchent ", ni ne " marchent " pas. Elles sont seulement ce qu’elles sont. Comparer ce qui devrait survenir avec ce qui survient en réalité, n’est qu’une manifestation de l’ego qui se rattrape à l’illusion qu’il est, et lui seul, la véritable source et l’acteur de ces actions. (…) Et, comme pour un chant, le but de la danse n’est pas d’arriver au pas final. S’il y a un but, c’est seulement de danser avec Cela ! Peu importe ce qui vous arrive, continuez juste à danser ! " Chuck Hillig (4)
Rien n’est en dehors de l’Unité, tant le dormeur que l’éveillé. La seule différence entre eux deux : le dormeur prend le rêve pour réel, l’éveillé prend le rêve pour un rêve. Dit autrement : le dormeur, celui identifié à un état, qualifie son état de réel, l’éveille, non identifié à un quelconque état voit celui-ci comme une expression de sa vraie nature et l’apprécie, installé dans l’amour et la contemplation.
" Attirance et répulsion, plaisir et douleur, lever et coucher, infatuation et abattement, etc… tous ces états participant aux formes de l’univers se manifestent comme diversifiées, mais en leur nature ils ne sont pas distincts. Chaque fois que tu saisis la particularité d’un de ces états, attentif aussitôt à la nature de la Conscience comme identique à lui, pourquoi, plein de cette contemplation, ne te réjouis-tu pas ? " Abhinavagupta, Huit stances sur l’Incomparable Cachemire, début du XI ème siècle.
Pour le dormeur, comme il pourrait lui sembler difficile de quitter l’image (le rêve) pour rejoindre le Tout ; mais justement parce que cette réflexion est encore une idée qui fait partie de l’incompréhension, c’est une histoire que l’on se raconte. Il n’y a justement pas à quitter d’image ni à rejoindre le Tout. Comment pourrions-nous rejoindre ou aller vers ce Tout alors même que nous le sommes. Nous ne sommes jamais allés, nous n’allons et nous n’irons jamais nulle part. A l’instant même où la vision nous prend, où l’on voit l’identification, notre tendance à nous identifier à une image, à cet instant même, l’identification nous quitte, elle disparaît. L’identification cessant, je suis.
Me vient à l’esprit l’image du jeu de l’Oie. Ce jeu, comme tout type de jeu a ses règles de base : un parcours fait de trente sept cases, chacune imagée par une situation, un dé à six faces, le gagnant est celui qui arrive le premier à la case finale - où l’oie s’envole. Certaines cases nous renvoient en arrière, d’autres nous font faire un bon en avant, une autre nous renvoie au départ,… L’identification, c’est lorsque nous nous identifions à l’histoire de la case sur laquelle nous sommes tombés. Concernant le jeu de l’Oie, c’est un amusement, nous ne le prenons pas au sérieux, nous n’y sommes pas attachés, et pourtant tout en sachant que c’est un jeu nous jouons vraiment, nous ne faisons pas semblant de jouer, nous jouons. Et imaginons : si nous nous identifions à l’une de ces cases, imaginons un instant, si nous étions absorbés par l’une de ces cases, nous ne pourrions pas voir que c’est un jeu, que nous soyons identifiés à la petite fille ou au chasseur ou à la prison. Nous ne verrions pas que c’est un jeu, et cette identification nous conduirait à prendre la case au sérieux, à penser qu’elle est bien réelle et que le paradis réside au bout du chemin (l’oie qui s’envole), vers lequel nous tendons et espérons avoir notre place. Et maintenant, si nous nous plaçons à nouveau au-dessus du jeu, nous voyons le jeu. Nous le voyons. Il n’y a plus d’identifications. Nous voyons que nous ne sommes ni le jeu ni la case. Et j’en reviens à cette idée qu’il pourrait sembler difficile de quitter l’image pour rejoindre le Tout, là, nous voyons que nous ne quittons pas l’image, mais nous voyons l’image pour ce qu’elle est : une image. L’image ne peut pas rejoindre l’Unité, elle est une expression de l’Unité. Tout comme le chant ne peut pas retourner à son chanteur, il est une expression de celui-ci. L’expression apparaît, l’expression disparaît. La vraie nature demeure. La personnalité apparaît, la personnalité disparaît. La vraie nature demeure. La pensée apparaît, la pensée disparaît. La vraie nature demeure. Le corps apparaît, le corps disparaît. La vraie nature, l’Unité. " La vraie nature est unique, est une, et nous sommes tous cela ".
L’intérieur et l’extérieur n’existent plus. L’unification est un mot inventé par le mental. L’Unité en est un autre inventé par l’intelligence. Que ce soit cette diversité intérieure (faite de toutes mes émotions) ou celle paraissant être extérieure à moi (des noms et des formes), je les vois émergeant toutes deux de l’Unité. Ne rien être, n’être rien, et l’Unité apparaît, mais il n’y a pas d’entité individuelle. Pas de personne permettant cette Unité, parce qu’il n’y a pas à unifier. Unifier est une réaction mentale. C’est le mental qui croit devoir faire quelque chose afin de sauver sa peau (synonyme : atteindre l’éveil), ou s’imaginant sauver la peau de la planète et de ses habitants. Unifier est alors violence, réaction d’un désir limité, provenant soit d’un apitoiement, soit d’une exigence. Et qu’il s’agisse du premier ou du deuxième cas, toujours en rapport avec un jugement.
L’Unité est la vraie nature.
Le limité ne peut pas aller vers l’Illimité, tout comme la fraction ne peut pas rejoindre le Tout, tout comme l’illusion aller vers le Réel, les opposés vers l’Unité. C’est quand je vois mes limitations, mes fractions, mes illusions, mes opposés, quand je les vois sans désir de les modifier, mais comme l’ultime cadeau me ramenant à l’Ultime, quand je les vois en saisissant mon incapacité à rejoindre l’Ultime, quand je les vois en me rendant compte joyeusement de ma stupidité à croire pouvoir unifier ces contraires, je suis saisi par l’Unité.
1) Krishnamurti, " se libérer du connu " p87
2) Wayne Liquorman, 3ème millénaire, n°54
3) Jean Bouchart d’Orval, La Lumière de l’Obscur, article paru dans la revue 3ème Millénaire, n°45
4) Chuck Hillig, Vingt questions sur " Cela ", 3ème millénaire, n° 61
Source : 3ème Millénaire, janvier 2006, "L'unité
sans contraire"
http://bit.ly/Wu0VnR
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